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Portrait de Louis Peuch Source Gallica

Des pentes de la vallée du Mars à la tête du conseil municipal de Paris, le destin remarquable sous la III ème République d'un petit pâtre qui accède à des fonctions éminentes culminera  en 1933 avec la cérémonie célébrant ses 25 ans de mandat municipal. A la fin de sa vie, sa carrière politique sombrera dans un positionnement contestable pendant la seconde guerre mondiale.

 

Tout est parti d'un travail au sein de l'association ASPECT : la numérisation et la mise en ligne des 23 bulletins publiés par Françoise Picot entre 2007 et 2018 " La vallée du Mars au fil du temps".

Dans le n°10 l'article intitulé "Le fabuleux destin de Louis Peuch" attire mon attention. Une interrogation rapide du web me laisse dans un premier temps sur ma faim. Par exemple très peu de mentions de Louis Peuch dans des documents numérisés accessibles sur le personnel politique de la 3ème République. Louis Peuch est cité dans l'ouvrage de Françoise Raison-Jourde  "La colonie auvergnate de Paris au XIXème siècle". Quelques photos officielles sur Gallica. Cela pique ma curiosité et avec l'aide de quelques personnes habituées aux recherches historiques et généalogiques ma quête commence ! Cet article en présente les premières conclusions ; Attention, ce n'est qu'un document d'étape à partir de ce que l'on peut atteindre sans bouger de la vallée du Mars. Finalement, c'est dans la presse numérisé par la BNF que l'on peut croiser de nombreuses mentions de Louis Peuch. C'est souvent le "Réveil du Cantal" sous la plume de Justin Bourgeade, originaire de Trizac, journaliste à la verve célèbre, qui est le plus loquace.

 

Cette recherche peut être sensible, à travers le destin de Louis Peuch, elle traite de la vie d'une famille dont je n'ai pu contacter les descendants s'ils sont encore vivants et évoque en partie une période délicate marquée par une division violente entre la France résistante et la France collaborationniste. Ni apologie, ni anathème, c'est juste la vérité historique qui est recherchée ici. 

Si une inexactitude, une erreur ou un manque est relevé, je suis preneur de toute correction  ou complément

Jean-François Gaffard

1859-1870 L'enfance à Anglards de Salers puis à  Saint-Vincent

Les origines

Louis Peuch nait à Pépanie le 02/03/1859. C'est l'ainé d’une famille de 8 enfants. Ses parents sont de modestes cultivateurs François Peuch et Catherine Faure (née en 08/08/1834) qui se sont mariés en 1858.

Fratrie :

- Marie Peuch :  naissance 14/02/1861 - décès 20/11/1861.

-Geneviève Peuch : naissance 02/12/1862, fille de Louise Faure  Catherine renommée en Louise 

-Pierre Peuch :  naissance le 01/12/1865, décès le 13/09/1893 à St-Vincent, célibataire

-François Peuch : naissance le 01/08/1868, décès le 23/11/1926,   mariage avec Augustine Maria Destour à Moussages le 26 juin 1897 (Louis Peuch est témoin avec 2 autres auvergnats de Paris). Maria Destour est enterrée dans le caveau de la famille Peuch à St-Vincent sur lequel figure aussi Louis Peuch 1899-1951

-Jeanne Peuch : naissance le 3/02/1871, décès à St-Vincent le 28/12/1915, célibataire

-Marie-Antoinette Peuch : naissance le 17/03/1873, se marie à St Vincent le 29/04/1896 avec Michel Coucharrière, né à Rilhac-Xaintrie le 15/03/1867 marchand de parapluies.

-Pierre Peuch : naissance le 29/11/1874.

Après s'être installée aux Aldières, la famille s'implante à Saint-Vincent au Champ Long vers 1873.

 

1875 -1908 L'école normale et la carrière d'enseignant :

Il est cité comme fervent républicain dès l'age de 17 ans au cours de la crise du 16 mai 1877.

Après l'école normale il devient instituteur en région parisienne, d'abord à Montreuil, puis Levallois, ensuite à Paris à Montmartre puis de 1888  à 1908 dans le 3ème arrondissement  et devient directeur de l'école de la rue Saint-Martin.

Aux cours de ses retours périodiques à Saint-Vincent il fait connaissance de Catherine Grillet, 22 ans, née à Aix, institutrice en poste à Meallet et dont les 2 parents étaient décédés à Aix.

Leur mariage est célébré, à Saint-Vincent le 18 septembre 1884.

Les témoins de leur mariage sont :

-Lacourt Michel, 40 ans, instituteur, demeurant à Saint-Vincent-de-Salers,

-Vizet Pierre, 26 ans, marchand de métaux, demeurant 21 rue de Lappe, Paris 11e,

-Gaillard Claude Ferdinand, 50 ans, artiste, demeurant 84 rue d'Assas, Paris 6e, 

-De La Tour Henri Roger Arthur , 23 ans, étudiant en Droit, demeurant à Paris

Les Peuch se font construire une maison à Saint-Vincent au lieu-dit Le Sarlat comme de nombreux cantalous ayant réussi à Paris dont les résidences bourgeoise émaillent la vallée du Mars et la fréquentent régulièrement.

1934 est l'année de leur noces d'or fêtées à Saint-Vincent. Justin  Bourgeade en fait un commentaire lyrique dans le Réveil du Cantal du 21 septembre 1934

 

1908 - Le directeur d'école embrasse une carrière politique

Elections de 1929 Le Petit Parisien source Gallica

En 1908, Encouragé par le député Louis Puech, il se présente aux élections municipales dans la quartier Sainte-Avoye. Brillamment élu au premier tour, son élection est invalidée dans un premier temps par le conseil d'état : la fonction de directeur d'école était incompatible avec le mandat de conseiller municipal. Son élection finalement validée, il sera brillamment réélu  au premier tour jusqu'aux élections de 1935 aux cours desquelles il devra attendre le deuxième tour. Sa carrière de conseiller municipal durera sans jusqu'en 1944 sans interruption.

Elections de 1935, Le Petit Parisien Source Gallica

De 1912 à 1933 au moins il sera président de la 6ème commission de la ville de Paris chargée de la salubrité, des égouts et de l'alimentation en eau.

Rapport Lemarchand, Peuch sur l'assainissement de Paris, Source Gallica

Au Conseil Général de la Seine, après la crue de 1910, il prend la tête de la commission du port de Paris et travaille à l'élaboration des plans du port de Gennevilliers et à la création de barrages réservoirs sur le bassin de la Seine, protégeant Paris de crues futures.

Il est élu président du Conseil Général de la Seine en 1918 puis il préside pour un an aux destinées du Conseil municipal de Paris en 1922-1923

 

1908-1933 La carrière politique et la reconnaissance  publique

-chevalier de la légion d’honneur 3 février 1919

-officier de la légion d’honneur 11 mars 1924

-commandeur de la légion d’honneur 14 novembre 1931

Une grande cérémonie a eu lieu le 13 juin 1933 à l'hôtel de ville pour célébrer les 25 ans de mandat de Louis Peuch. Le Réveil du Cantal ne consacre pas moins de deux pages à l'événement avec un article enflammé de Justin Bourgeade. 

Il évoque tout son parcours, sa carrière exemplaire d'enseignant  puis de conseiller municipal au service de la population parisienne et célèbre entre autres mérites la réalisation d'un projet qui lui tenait à coeur, le remplacement de l'école vétuste dans laquelle il avait enseigné pendant 30 ans par un établissement scolaire moderne et fonctionnel conçu selon les plans de l'architecte André Berry.

Médaille commémorative pour 25 ans de mandat municipal
L'école neuve de la rue Saint-Martin inaugurée en 1933
Une du Réveil du Cantal du 23 juin 1933. Source Gallica
 Ecole de la rue Saint-Martin Architecte André Berry, inaugurée en 1933 source Wikimedia Commons
Ecole de la rue Saint-Martin Arch André Berry, inaugurée en 1933, source Wikimedia Commons

 

 1934-1939 Du radicalisme au conservatisme légitimiste

Un paragraphe de son discours de récipiendaire en 1933 éclaire le glissement de son positionnement politique :

Messieurs, un dernier mot. C’est en quelque sorte une confession publique que je veux faire. Il y a déjà quelques années, je me suis séparé d’un parti auquel j'appartenais depuis sa fondation. Quelques amis, très aimablement, me l’ont reproché et m’ont dit que j’avais modifié ma ligne de conduite politique. J’insiste toutefois sur ce point, que ces reproches m’ont toujours été adressés de façon aimable et courtoise. Néanmoins, ils m’ont été particulièrement sensibles. Je vous prierai, Messieurs, de feuilleter le Bulletin Municipal. Vous y verrez que depuis vingt-cinq ans que je suis dans cette maison, mes notes ont toujours été les mêmes : je n’ai jamais varié, mais j’ai pensé, à une certaine époque, que l’union des Français nous avait donné la victoire et qu'après la victoire, il n'était pas trop de tous les français pour gagner la paix .
Voilà, Messieurs. la confession que je tenais à faire publiquement. L'attitude que j’ai prise n’a pas été dictée par une ambition quelconque. J’ai assez de flair politique - passez moi l’expression - pour savoir, lorsque j’ai agi ainsi, qu'une telle attitude ne me servirait pas. Je n'en dis pas plus long. Tout le monde ici doit me comprendre Celle attitude. Je l'ai prise en toute conscience, pensant ainsi mieux servir la prospérité de la France, celle de notre grande cité, et aussi, Messieurs, l'avenir de la République.
( le réveil du Cantal 23 juin 1933 Gallica)

La crise du 6 février 1934 provoque la chute du gouvernement Daladier . La période 1934-1939 est marquée par une profonde division Gauche-Droite et entre montée de l'extrême droite et une perte de confiance dans les Radicaux aux pouvoir,  la république vacille. Le Front Populaire ne convient pas au désir d'union nationale exprimé par Louis Peuch.

1939-1944 La part d'ombre, Pétain plutôt que de Gaulle.

En Janvier 1940, âgé de 81 ans et comme doyen de l'assemblée il est élu à nouveau président du Conseil Municipal de Paris par 60 voix sur 62 exprimées

A partir du 10 juin est nommée par Georges Mandel une commission permanente chargée de demeurer à Paris et de représenter la population parisienne, quelles que soient les circonstances, aux côtés des deux préfets et en étroite collaboration avec eux. Cette délégation, qui siège en permanence à l’Hôtel de Ville, comprend Jean Chiappe, Georges Contenot, René Fiquet, Maurice de Fontenay, Marcel Héraud, Noël Pinelli et André Le Troquer.

Le conseil municipal de Paris se réunit en juillet 1940 à Vichy et Louis Peuch blessé d’un accident de voiture lors de son voyage vers Vichy fait adopter en quelque sorte une motion de confiance au Maréchal Pétain. (25 conseillers environ sur 80)

Les sessions du Conseil municipal de Paris sont officiellement suspendues par la loi du 26 décembre 1940, prorogée le 25 janvier 1941 et le 29 avril 1941. Les pouvoirs des deux assemblées sont remis au préfet. Aucune réunion du Conseil ni des commissions n’a lieu jusqu’en octobre 1941. Toutefois, le bureau continue de régler quelques affaires lui parvenant et se charge de suivre l’élaboration du nouveau statut auprès du gouvernement de Vichy. Un comité budgétaire restreint est institué par la loi du 26 décembre 1940, qui a un rôle consultatif auprès du préfet pour l’élaboration du budget de 1941, mais il n’est pas prorogé par la loi du 25 janvier 1941. Des conseillers se réunissent également de façon informelle.

Louis Peuch adhère finalement au discours de redressement national proposé par Philippe Pétain qui le nomme en janvier 1941 au Conseil National, organe consultatif de 200 membres chargé faire des propositions au Maréchal.

Selon Le Matin du 20 novembre 1941

"M Louis Peuch, président du conseil municipal, ayant été prié par le contrôleur général délégué du ministre secrétaire d'état à la guerre, de remettre au lieutenant de réserve Darquier de Pellepoix, conseiller municipal de Paris, l'insigne de la Croix de guerre a procédé à cette remise, en son cabinet, hier, au cours d'une cérémonie intime."

Louis Darquier de Pellepoix, ancien conseiller municipal de Paris, commissaire général aux questions juives de mai 1942 à février 1944, antisémite virulent et pro-nazi, est condamné à mort par contumace, le , à la dégradation nationale à vie et à la confiscation de ses biens. Réfugié en Espagne, protégé par le régime franquiste, il y décède le 29 août 1980.

 

La postérité : un oubli presque total 

Il décède, d'une crise cardiaque à 86 ans, le 14 juin 1945 dans sa propriété du Sarlat.  L'inscription sur le caveau indique une date erronée, le 6 étant remplacé par un 9 ce qui donne le 14 septembre mais le registre d'état civil est formel :

Son épouse Catherine décède à son tour en 1957 à Paris à son domicile du Ier arrondissement. Elle avait 95 ans. Peut-être repose-t-elle au coté de son mari à Saint-Vincent mais nulle mention sur le caveau ne permet de l'affirmer...

D'une part, Louis Peuch et sa femme n'ayant pas eu d'enfants, d'autre part, ses choix pendant la seconde guerre mondiale ne s'étant pas caractérisés par leur lucidité et la résistance à l'envahisseur, la mémoire de son parcours s'est progressivement effacée dans la vallée malgré un article dans le bulletin des ainés de St- Vincent puis dans le bulletin n°10 de "La vallée du Mars au fil du temps". 

Caveau de Louis Peuch au cimetière de Saint-Vincent

 

Quelques éléments de contexte : deux podcasts de Philippe Collin sur France INTER:

Tag(s) : #Histoire
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